Dans son livre éponyme paru en 2019, Sylvain Tesson, parti en Chine pour observer la panthère des neiges, décrit sa troisième rencontre avec le fauve : « La panthère nous avait repérés. Se tournant sur le flanc, elle releva la tête et nous croisâmes son regard, braise froide. Les yeux disaient : « Nous ne pouvons nous aimer, vous n’êtes rien pour moi, votre race est récente, la mienne immémoriale, la vôtre se répand, déséquilibrant le poème. » Croiser le regard d’une panthère est en effet un moment saisissant, même derrière le grillage d’un enclos de parc zoologique. L’animal se repose, mais ses yeux restent ouverts et analysent en permanence l’environnement immédiat. Toutes les attitudes des passants sont scannées et les moindres bruits sont écoutés. Elle paraît calme et sereine, mais on sent qu’il suffirait d’un petit rien pour réveiller son impressionnante musculature et la mettre en position d’attaque. C’est sans doute cette vigilance qui lui a permis de traverser les âges et de survivre aux incessantes intrusions que l’homme a menées sur son territoire.
Jardin botanique et zoologique de Mulhouse, le 23 avril 2023
